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02/04/2013
L'ortolan, entre protection plus rapprochée et braconnage discret
Un ortolan AFP/Archives Nicolas Tucat BORDEAUX - (AFP) -
Chassé depuis des lustres dans les Landes, officiellement protégé depuis 14 ans, l'ortolan, minuscule passereau migrateur objet de fantasmes gastronomes, est au coeur d'une empoignade renouvelée entre chasseurs, écologistes et politiques, dont l'Europe se mêle de plus en plus.
Pour les défenseurs de cette "chasse traditionnelle", c'est "un tout petit dossier, mais emblématique d'une culture locale". Pour les protecteurs des oiseaux comme la LPO,
"c'est la loi bafouée, à un degré tout simplement étonnant d'un point de vue républicain".
Reste que le bruant ortolan (emberiza hortulana) est chassé -"pas chassé, braconné", corrige la Ligue de protection des oiseaux- chaque fin d'été, entre mi-août et mi-septembre, par quelques centaines à un millier de personnes dans le département des Landes.
Un congénère "appelant" et une petite cage grillagée (la "matole"), qui se rabat, permettent de piéger l'oiseau vivant.
Car vivant il doit être, pour être engraissé quelques semaines, noyé dans l'armagnac et cuisiné. Puis croqué d'un seul trait, chair, os, viscères, dans un lent rituel culinaire.
François Mitterrand adorait cela, Jacques Chirac aussi, se souvient le chef 3 étoiles landais Michel Guérard, qui se rappelle en avoir servi au maréchal Tito.
"C'est une tradition, toute une mise en scène de dégustation, qui en faisait un véritable culte culinaire landais", explique le cuisinier. "J'en ai mangé bien sûr à une époque, c'est absolument délicieux, une viande grassouillette, blanche, juteuse, haute en goût, même si ce n'est pas partagé par tous."
Mise en demeure début 2013 par Bruxelles sur le sort de l'ortolan protégé, la France, indique le ministère de l'Ecologie, a "transmis les éléments de réponse confirmant à la Commission européenne la volonté de l'Etat de faire respecter l'interdiction du braconnage et la stricte protection de l'ortolan".
En clair, a expliqué à la mi-mars la ministre Delphine Batho aux fédérations de chasseurs réunies en congrès national à Paris, la France ne demandera pas de dérogation pour l'ortolan, comme elle pourrait le faire en théorie.
Car l'Europe, les écologistes européens, regardent de plus en plus ce dossier. Chaque été, la LPO, mais aussi désormais des militants notamment allemands ou italiens du CABS ("Committee against Birds Slaughter") réalisent des "actions" qui vont du relevé de pièges, au dépôt de plainte, en passant par la libération d'oiseaux et la destruction de pièges. Avec un risque de confrontations qui commence à inquiéter.
"On sait que ce n'est pas simple pour les autorités, mais ce n'est pas notre problème", note Olivier Le Gall, de la LPO-Aquitaine. "Notre problème, c'est que la loi s'applique sur le territoire français, et notamment quand elle met en péril une espèce menacée", souligne-t-il.
Des procès-verbaux sont bel et bien dressés, du matériel de chasse saisi. "Il y a une réponse pénale", assure-t-on de source judiciaire, évoquant une douzaine de procédures par an dans les Landes. "Mais on ne poursuit que ce qui nous parvient."
La tolérance préfectorale est stupéfiante, s'étranglent les écologistes. Et le comptage au coeur des débats. Pour les chasseurs, les 30.000 oiseaux capturés par an légitiment une dérogation, car ce chiffre est largement en deçà de "l'effet négligeable", la chasse touchant selon eux moins de 1% de la population d'ortolans et ses pratiquants étant de toute façon vieillissants.
La Fédération départementale des chasseurs des Landes a d'ailleurs proposé un plan "bouilleur de cru, c'est-à-dire qu'au fur et a mesure que les gens disparaissent, le poste disparaîtrait et, petit à petit, cela s'éteindra", explique son président Jean-Roland Barrère.
Pas question pour la LPO, car, estime-t-elle, "cela risque de s'arrêter non quand les pratiquants vont s'arrêter, mais quand il n'y aura plus d'ortolans. Car c'est une population (d'oiseaux) qui va vraiment mal".
Aussi on va compter, ou recompter, les ortolans. Une nouvelle étude vient d'être mandatée, sous l'égide du Muséum national d'histoire naturelle, cofinancée par le Conseil général des Landes, sur trois ans. D'ici là? Interdiction officielle, ou tolérance discrète, selon comment on voit les choses.
Sauf que la donne a peut-être changé. "Quand la Commission européenne va jusqu'à la mise en demeure, elle abandonne rarement", prévient Pierre Athanaze, président de l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), à l'origine de la plainte.
AFP
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